AFP – vendredi 19 décembre 2025 – 10:00
Quatre ans après la disparition d’Yves Rénier, figure du petit écran, sa veuve est engagée dans
un combat judiciaire avec la société de production, qu’elle suspecte de l’avoir floué pendant
des années de diffusion du « Commissaire Moulin ».
Depuis 2023, Karin Rénier réclame à Sirius Media Production (anciennement PM S.A.) des informations sur trente épisodes, diffusés principalement sur TF1, mais aussi sur d’autres chaînes comme Arte, du feuilleton « Commissaire Moulin, Police judiciaire », a appris l’AFP auprès des parties.
Son mari, Yves Rénier, décédé en avril 2021 à l’âge de 78 ans, était devenu une figure du petit écran avec cette série, créée en 1976 et diffusée jusqu’en 2008 sur TF1. Il interprétait ce commissaire au look décontracté à la poursuite de meurtriers ou racketteurs, mais avait aussi écrit, réalisé et coproduit de nombreux épisodes.
Karin Rénier, 62 ans, reproche à la société de production de ne pas avoir respecté les contrats.
Elle l’a mise en demeure de lui fournir un certain nombre de documents, dont des contrats de
diffusion avec des chaînes.
« Kidnapping » avec Johnny Hallyday –
Elle lui reproche aussi de ne pas agir suffisamment contre le piratage en ligne de ce feuilleton culte et vintage : certains épisodes, comme « Kidnapping » avec Johnny Hallyday, cumulent des millions de vues sur des comptes pirates sur YouTube.
Sollicité par l’AFP, le producteur Alain Pancrazi, 78 ans, qui avait créé en 1992 la boîte de production, a expliqué ne pas vouloir s’exprimer sur ce dossier, ayant « quitté la société il y a huit ans ».
La société, et son nouveau gérant Paul Amsellem, sont défendus par Me Sarah El Hammouti et Joffrey Delmotte, qui confirment à l’AFP l’existence d’une procédure. Tout en précisant n’avoir « aucun commentaire à faire sur les anciens dirigeants ».
Ils datent la première assignation devant le juge des référés au 9 avril 2024. Diverses audiences ont depuis eu lieu depuis, en référé et devant le tribunal de commerce, autour notamment de la question de la prescription. Une prochaine audience est prévue le 22 janvier 2026.
Mme Rénier « ne peut décemment se réveiller près de 20 ans » après la diffusion de certains épisodes, « en invoquant des faits qui ne sont que la conséquence de sa propre inertie », cingle la défense de la société de production, dans des échanges écrits produits en justice, que l’AFP a pu consulter.
La veuve d’Yves Rénier fait « face à une situation financière difficile » et espère ainsi récupérer « une quelconque somme », assurent les avocats de la production.
-« Trahison » –
Des arguments que balaient Karin Rénier et son avocate, Me Céline Bekerman, contactées par l’AFP. Dirigeante d’une agence de publicité, la veuve d’Yves Rénier n’a aucun problème financier, affirment-elles. « Mon mari n’a pas fait tout ce qu’il fallait en temps et en heure », reconnaît Mme Rénier, qui dit avoir découvert le problème après « la succession » et souligne la tâche ardue d’analyser des comptabilités et de « véritablement attribuer à chaque film les dépenses qui lui reviennent ». « La coproduction implique qu’une fois que tous les frais afférents à la production du film sont remboursés, l’excédent, c’est-à-dire le bénéfice, est réparti entre les deux coproducteurs »: « le problème, c’est qu’il n’y a jamais eu aucun centime reversé à mon mari », note-t-elle, en s' »étonnant » qu’aucun des épisodes concernés n’ait généré d’argent.
D’après elle, Yves Rénier s’était tourné vers Alain Pancrazi pour coproduire car « c’était un ami de longue date ». « J’avais un mari qui fonctionnait à l’affectif, et qui n’était pas forcément un homme d’affaires, mais plutôt un homme de coeur », a-t-elle expliqué.
Evoquant une « trahison », elle martèle: « J’en fais une affaire de principe. Je ne lâcherai rien, je le fais pour mon mari et sa mémoire, et mes enfants ».
« Il est inacceptable qu’Yves Rénier, qui a largement contribué à la force et la réputation de PM
S.A., ait été privé des recettes qui lui revenaient (…) Nous irons jusqu’au bout pour que justice
soit rendue », affirme pour sa part Me Bekerman.
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